Mission d'information parlementaire sur les Questions mémorielles
Il convient tout d’abord de remercier le Président ACCOYER à deux titres : d’abord, d’avoir inspiré la Mission d’information afin de répondre au problème posé par la concurrence des mémoires, et ensuite d’avoir conduit une mission de haute tenue, durant laquelle des interventions et des échanges de qualité ont permis de jeter une lumière apaisée et apaisante sur une question que certains avaient rendue conflictuelle.
Comme le disait Paul VALERY, « l’histoire est le plus dangereux des produits que la chimie de l’intellect ait élaboré ». L’histoire oscille en effet toujours entre une exigence de vérité scientifique sur le passé et une exploitation idéologique de celui-ci suscitée par les querelles du présent. Si l’histoire documentée, minutieuse, monographique, et souvent quantitative des Annales s’est approchée de la rigueur scientifique, celle qui est enseignée dans nos écoles, contrainte à des sélections, à des choix, à des impasses et à des raccourcis, ne peut malheureusement prétendre qu’à la vérité du juge, ou dans le pire des cas à celle du journaliste. Le premier n’évite pas toujours l’erreur judiciaire, ni le second la désinformation. Or, l’histoire n’est pas seulement un outil de compréhension, c’est aussi un moyen pour les élèves, pour les futurs ou les jeunes citoyens de la République française de prendre conscience de leur identité et des valeurs qui la fondent. En cela, la connaissance qu’apporte l’histoire doit rejoindre et soutenir la mémoire affective : la Patrie ne doit pas être un concept, mais une personne.
C’est pourquoi, il convient de souligner particulièrement le danger que représentent les revendications mémorielles de groupes identitaires. Celles-ci divisent la Nation, au lieu de l’unir, enveniment les plaies plus ou moins réelles du passé pour mieux exacerber les conflits du présent, et cherchent à développer un climat de repentance malsaine pour des générations qui ont davantage besoin de trouver dans la fierté du passé les aliments qui vont nourrir leur confiance dans l’avenir. L’exemple extrême de cette dérive et de ce risque se trouve illustré par l’irruption dans ce débat d’une association regroupant les « associations noires ». Non seulement, dans notre pays, aucune communauté de destin ne peut être définie historiquement par la couleur de la peau, mais encore cette distinction est une étonnante et paradoxale illustration de l’emploi d’une notion qui n’a été conservée dans notre Constitution lors de la récente révision que parce qu’elle sert à définir un crime : la race.
Il me paraît donc important de souligner le caractère essentiel de la 4ème proposition du rapport qui évoque la « volonté partagée (…) de mettre en exergue les valeurs républicaines », de la 7ème proposition qui parle de « l’appropriation par les citoyens » de l’Histoire de France, de la 13ème proposition qui rappelle que le Parlement est dans son rôle lorsqu’il se penche sur l’enseignement de l’histoire à l’école.
En revanche, je demeure réservé sur la 14ème proposition pour les raisons déjà évoquées : la connaissance historique à l’école est nécessairement limitée, voire tronquée. « Faire comprendre », c’est en matière historique, « donner une interprétation ». La reconnaissance de l’identité nationale et des valeurs républicaines sont des objectifs légitimes de l’enseignement de l’histoire à l’école.
Enfin, je ne peux que regretter l’engagement initial de la Mission de ne pas remettre en cause les lois mémorielles. Une seule a jusqu’à présent été victime des groupes de pression, celle qui évoquait le rôle en particulier positif de la France Outre-mer et le sacrifice des combattants venus d’Outre-mer. Je partage entièrement le point de vue de Robert BADINTER sur cette question. Il ne me paraîtrait pas absurde d’abroger les lois du 29 janvier 2001 et du 21 mai 2001 afin de les remplacer par de simples résolutions. Celles-ci me paraissent la voie de l’avenir lorsque le Parlement aura à se pencher sur notre passé.