Avec l'été, la moisson des idées (Finkielkraut, Kelman, Copé...)
Plusieurs rencontres ont jalonné ces dernières journées. D’où j’ai pu récolté un certain nombre d’idées intéressantes.
D’abord, lors de la réunion de la Mission d’Information sur les Lois mémorielles. Nous avons auditionné Bronislaw GEREMEK, historien et député européen, compagnon de Lech WALESA, avec lequel il a combattu le communisme et libéré la Pologne et qui a parlé en connaissance de cause de la falsification de l’histoire par le totalitarisme.
Puis nous avons entendu Alain FINKIELKRAUT. C’est aujourd’hui une personnalité très controversée : ainsi, une de mes collègues socialistes n’a pas hésité à lui rappeler l’admiration qu’elle avait naguère nourrie à son égard et la déception qu’elle ressentait aujourd’hui. Face à cette attaque pleine de préjugés Alain FINKIELKRAUT a paru profondément blessé et a très longuement, trop longuement, développé une justification. On a déformé et amplifié des propos qu’il n’a jamais vraiment tenus. L’hypothèse que le fils d’un déporté d’Auschwitz puisse être soupçonné de racisme le révulse manifestement. Faut-il dire combien je me suis senti proche de ce plaidoyer puisque dans le fond j’ai été moi aussi victime d’une chasse aux sorcières fondée sur une manipulation de l’information au service d’une pensée étroite et ignorante. La certitude d’avoir pour adversaires des gens peu respectables quant au niveau de leur pensée et à la qualité de leur méthode renforce heureusement la volonté de maintenir le cap. C’est la raison pour laquelle j’ai interrogé Alain FINKIELKRAUT en lui rappelant sa formule suivant laquelle notre société risque de se réduire à la confrontation du fanatique et du zombie. Entre eux, y a -t-il encore une place pour la formation d’un citoyen qui ne soit pas condamné à haïr son pays pour respecter le jeu de la concurrence victimaire des communautés qui veulent y être reconnues? Sa réponse ne m’a pas déçu: on ne peut pas s’intégrer dans une Nation que l'on n'a pas appris à aimer.
Cela a été également l’occasion de faire allusion à l’échange très fructueux que j’avais eu le même jour avec Gaston KELMAN l’auteur de «Je suis noir et je n’aime le manioc ». Au lieu de multiplier les commémorations de l’esclavage à des jours différents dans les diverses collectivités d’Outre Mer, il serait plus utile que les jeunes français connaissent l’histoire de Félix EBOUE, né en Guyane comme Madame TAUBIRA, descendant sans doute d’esclave, mais qui, par reconnaissance envers la République a été la première autorité territoriale à rejoindre le Général DE GAULLE, devenant ainsi Gouverneur de l’Afrique équatoriale française au nom de la France libre.
Le soir, en compagnie d’Olivier DASSAULT et du Groupe parlementaire Génération Entreprise, nous étions reçus par Nonce PAOLINI et son équipe, à TF1. Le sujet d’actualité résidait évidemment dans la remise du Rapport de la Commission COPE sur le financement de l’audiovisuel public. De notre échange trois questions me paraissent préoccupantes. Tout d’abord à quoi correspond la notion de service public dans l’audiovisuel ? A cette première question s’agrègent immédiatement le problème d’un cahier des charges défini et celui du périmètre, c’est à dire du nombre de chaînes nécessaires. Pour ma part, je ne parviens pas à comprendre le rapport établi entre les programmes de France 2 et la notion de Service public. La question de la suppression de la publicité sur les chaines publiques est en fait celle du financement des chaines publiques. Il me paraît aberrant qu’un prétendu Service public soit financé par des publicités, il est encore plus absurde qu’une taxe de plus vienne frapper les sociétés privées afin de financer leurs concurrents publics ; la redevance est quant à elle un impôt kafkaïen, injuste qui consiste à faire payer à tous les français une autoroute qu’ils n’empruntent jamais par un droit de péage archaïque. L’avenir est aux grands ensembles privés multimédias qui interviendront à la fois sur la TNT, le câble, les satellites, internet, et le mobile. La concurrence légitime entre eux garantit la diversité. L’État ou les collectivités locales pour les télévisions régionales doivent se cantonner au véritable service public, c’est à dire à ce qui répond à un besoin indispensable et que le financement privé ne peut satisfaire : information décentralisée, formation, et surtout culture. Encore cela n’est-il pas définitif puisque des chaines musicales privées existent, que c’est TF1 qui a repris avec succès la chaine Histoire, et qu’enfin les grands titres de la presse régionale peuvent également intervenir dans l’information audiovisuelle. La troisième question est plus grave que les précédentes : la France est très attachée à son indépendance culturelle et au financement d’un cinéma national, mais elle a complètement fait l’impasse sur les réseaux de diffusion audiovisuels. TDF est aujourd’hui propriété de capitaux américains. Notre inconséquence dans l’ensemble de ce domaine est particulièrement alarmante.
Enfin, ce matin j’ai eu le plaisir d’entendre l’économiste Christian SAINT-ETIENNE dans le cadre de la Fondation Concorde. L’exposé était lumineux et il est facile de le résumer en deux points auxquels j’adhère: le premier éveille l’optimisme puisque la croissance mondiale, en moyenne de 4,5 points par an, offre un marché de plus en plus dynamique. Le second soulève au contraire l’inquiétude puisque notre pays n’a pas choisi depuis un an une véritable politique de l’offre qui puisse mieux le situer face à la demande mondiale. Une TVA sociale qui situerait la TVA à 22% en englobant notamment les charges des entreprises liées à la politique familiale correspondrait parfaitement à une réponse intelligente aux défis de la mondialisation, à une amélioration de notre offre face à la demande, puisque le cout du travail serait diminué en France, tandis que les produits importés seraient plus chers.
Beaucoup d’idées intéressantes donc, et malheureusement la certitude qui s’impose: elles ne sont pas mises en oeuvre en raison du manque de courage et de la mauvaise qualité de l’information qui règnent dans notre pays.