Christian Vanneste et "la cage aux phobes" (Philippe Muray)

La judiciarisation de la « lutte contre les discriminations » ne date pas d'aujourd'hui mais a connu une accélération remarquable depuis les années 1990, sous le double effet du militantisme associatif et des normes européennes. La loi du 30 décembre 2004 portant création de la Halde et pour l'égalité, qui prétend compléter et couronner l'édifice, semble à la fois vouloir consolider l'arsenal répressif mis en place et prévenir le recours au juge par un système de médiation.
Avant d'examiner cet arsenal, il convient cependant de situer le contexte idéologique et sociologique profondément anti-libéral dans lequel il intervient.
Un premier constat porte sur la terminologie récurrente utilisée. On ne compte plus, en effet, les propositions et projets de loi déposés devant le parlement français se proposant de « lutter contre » un phénomène quelconque. Cette obsession normative et purgative dont nos gouvernants ne semblent pas vraiment prendre conscience, est très révélatrice de la mentalité post-moderne tendant à vouloir nettoyer au « pas de loi » (1) tout ce qui contrevient au politiquement correct dans les comportements sociaux.
A cette manie de la « lutte contre » s'ajoute celle de faire plus précisément la chasse aux « phobies » de toutes sortes, la discrimination étant en effet considérée comme l'expression achevée et le symptôme suprême d'une pathologie mentale dissidente qu'il convient d'éradiquer d'urgence. Xénophobie, homophobie, lesbophobie, judéophobie, négrophobie, handiphobie etc … tournent ainsi en boucle dans le discours associatif, médiatique et politique que le regretté Philippe Muray raillait sous l'expression de « cage aux phobes » (2). Les débats parlementaires précédant la loi de 2004 sur la Halde et celle du 12 février 2005 sur l'égalité des personnes handicapées font apparaître un souci permanent de « forcer les mentalités à évoluer », fût-ce au prix de sanctions allant, pour le premier texte, jusqu'à des peines d'emprisonnement. Le cousinage de ces finalités et procédés avec le lavage de cerveau et le goulag ne semble choquer que quelques rares parlementaires, aussitôt priés de mettre leurs scrupules libéraux sous le boisseau au nom du concept le plus subjectif, fourre-tout et galvaudé du post-modernisme : la dignité. On ne compte plus, en effet, les usages liberticides qui sont aujourd'hui faits du terme dignité qui se répand comme un champignon dans le droit français et européen, générant toujours plus de répression et, compte tenu de l'indétermination de la notion, de gouvernement des juges. Rien ne saurait plus, en effet, être opposé à la dignité des individus et des groupes, c'est un concept absolu et totalitaire qui ne tolère aucune limite et devant lequel toute liberté doit désormais s'incliner. Guy Carcassonne a raison de relever que la dignité et la liberté qui étaient autrefois soeurs siamoises sont devenues ennemies, la première devenant le bourreau de la seconde (3).
C'est donc dans ce contexte de « tentation totalitaire » et de tyrannie associative qu'intervient la judiciarisation des discriminations, sanctionnées aussi bien sous l'angle du droit pénal que du droit social, civil ou administratif. Notre collègue canadienne Andrée Lajoie a fort bien montré dans son livre intitulé « Quand les minorités font la loi », comment les associations défendant des groupes d'individus interviennent aussi bien auprès du législateur que des tribunaux pour faire triompher leurs revendications et ceci au niveau international comme national (4). En ce qui nous concerne, il est évident que le lobbying associatif est particulièrement fort auprès des institutions européennes, ce qui explique d'autant les contraintes qui retombent ensuite sur le législateur français.
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Lors du débat sur le texte, à l'Assemblée nationale, le député Christian Vanneste (UMP) avait manifesté son opposition au dispositif en considérant qu'un comportement choisi devait toujours pouvoir être critiqué. Il avait ajouté « L'introduction même de l'idée d'homophobie tend à accréditer que le comportement homosexuel aurait la même valeur que d'autres comportements, alors qu'il est évidemment une menace pour la survie de l'humanité ». Des associations homosexuelles ayant organisé une manifestation contre ces propos dans la circonscription du député, celui-ci fût invité à s'expliquer dans la presse locale en janvier 2005. Il a, bien entendu, réitéré et explicité le jugement de valeur exprimé dans l'hémicycle et, comme il fallait s'y attendre, a aussitôt fait l'objet de poursuites devant le Tribunal correctionnel de Lille, par les associations SOS Homophobie, Act-up Paris et le Syndicat national des entreprises gaies. Les poursuites, fondées sur le chef d'injure publique envers un groupe de personnes en raison de leur orientation sexuelle, donnent rétroactivement entièrement raison aux préventions du député Jean-Paul Garraud.
Le tribunal a condamné Christian Vanneste le 24 janvier 2006 à une amende de 3000 euros, aux termes d'un jugement partial, oublieux du principe d'interprétation stricte de la loi pénale et refusant de s'inspirer des travaux préparatoires de la loi pour en apprécier la portée. Les termes de l'avis de la CNCDH ainsi que de l'arrêt Handyside, rendu par la Cour européenne des droits de l'homme en 1976, ont été délibérément tronqués par le Tribunal dont l'argumentation médiocre témoigne, une fois de plus, de la faiblesse de la formation théorique et constitutionnelle de certains magistrats français.
En particulier, on lit avec stupéfaction dans le jugement la phrase suivante : « En l'espèce, le préjudice est important d'autant plus que la position d'élu de M. Christian Vanneste a donné à ses propos réitérés un caractère retentissant » ! Manifestement, les magistrats de Lille n'ont jamais lu ni compris l'article 26 de la Constitution puisque, non seulement ils n'en tiennent pas compte pour atténuer la responsabilité pénale d'un parlementaire, mais ils la considèrent benoîtement comme une circonstance aggravante.
La Cour d'appel de Douai a confirmé le jugement de première instance par un arrêt du 25 janvier 2007 quasiment dépourvu de motivation où elle procède par affirmation sans démonstration.
Le plus choquant de l'affaire aura sans doute été l'attitude des dirigeants de l'UMP qui ont non seulement « laissé tomber » leur collègue mais même promis au lobby homosexuel de lui refuser l'investiture aux législatives. (...)